À l’âge de 26 ans, Zoé Witala a reçu un diagnostic de cancer du cerveau. Cancer, un mot chargé de sens qui en découragerait plusieurs, mais pas elle. Entourée par ses proches et d’une équipe de médecins, elle a su surmonter cette épreuve avec détermination et confiance.
Mais qu’est-ce qui vient après le cancer ? C’est ce qui faisait le plus peur à Zoé. C’est pourquoi elle a décidé d’animer La vie d’après, un podcast qui a pour but d’accompagner les survivants de cancers dans leur rémission parce que cancer n’est pas toujours synonyme de finalité, mais plutôt de renaissance.

2018 a été une grosse année pour toi, que s’est-il passé?
C’est drôle parce que c’était une grosse année même avant le cancer. J’ai découvert mon cancer en faisant une crise d’épilepsie alors que je ne suis pas épileptique. J’étais au volant de ma voiture quand j’ai commencé à faire des convulsions, mais je sortais tout juste de mon stationnement (au moins!).
J’ai fait mon BAC en communication à Québec et, quand je suis arrivée à Montréal, j’étais très stressée… Je m’en souviens, je venais de laisser mon chum, il fallait que je me trouve un appartement. Ça ne me tentait pas de retourner travailler en restauration. Je pense que ça a contribué à déclencher ma crise d’épilepsie et, dans le fond, c’est peut-être mieux comme ça. J’ai fait un blackout. À mon réveil à l’hôpital, je ne me souvenais de rien de la semaine précédente. Juste pour dire, une crise d’épilepsie, ça tire tellement de jus, ça n’a aucun sens. C’était pire que mon cancer, j’étais épuisée, je n’arrêtais pas de dormir et de tout oublier.
J’ai appelé ma mère, elle est venue me rejoindre à l’hôpital. Heureusement, elle était en visite chez moi et non d’où je viens, à Amqui dans le Bas-Saint-Laurent. Quand le médecin m’a demandé si j’étais épileptique et qu’on a dit « non », il a fait : « Ishhh ». À ce moment-là, on était un peu naïves là-dedans, mais lui, il savait qu’il y avait sûrement quelque chose d’autre. Il m’a fait faire des tests et, de là, il m’a donné un rendez-vous avec un neurochirurgien une semaine plus tard. Un cancer du cerveau à 26 ans, tu ne penses pas à ça.
Ensuite, on m’a annoncé que j’avais une tumeur au cerveau, mais que c’était sûrement bénin. Il fallait quand même que je me la fasse enlever. Un mois plus tard, je me réveille avec une grosse cicatrice d’une oreille à l’autre avec des agrafes. Une chance que j’avais pas googlé ça avant l’opération, j’aurais capoté! Dans ma tête, c’était fini : « J’ai 26 ans, il me dit que c’est bénin… ». Après avoir vu ma tumeur, le médecin m’annonce que c’est un grade 2 plutôt que grade 1. Deux mois plus tard, je retourne pour un rendez-vous où je pensais qu’on allait me dire : « Ça va bien, continue ta vie », mais non! Finalement, ce n’était pas un grade 2, mais un grade 3. À ce moment-là, ça change tout. C’est là que tu penses que ta vie est finie.
Comment as-tu réagi quand on t’a annoncé que tu avais un cancer du cerveau?
C’est là que ça commence à être difficile. J’ai toujours su que je voulais des enfants et là, tu as une personne qui vient te dire que tu vas devoir faire de la chimio et de la radio, et qu’il y a des risques d’infertilité… « Est-ce que tu aimerais avoir des enfants? » On me disait que j’allais devoir faire congeler mes ovules avant mes traitements. On dirait que je me sentais tout le temps coupable.
C’est là qu’ils m’ont sorti tous les pourcentages tannants comme quoi, pour un cancer du cerveau, la plupart des gens meurent à l’intérieur de 20 ans. Je sors de là, c’est comme dans les films, tout est au ralenti.
Une fois que j’ai su que j’étais un grade 3, j’ai fait congeler des ovules, 13. Tout le monde braille quand ils font ça, mais moi, ça ne m’a rien fait. J’étais comme : « J’ai autre chose à faire, j’ai des cases à cocher ». La fille me disait : « Tu as vraiment bien fait ça ». Je me rappelle que j’étais encore sous l’effet des médicaments et je me disais que j’avais vécu pire.
J’ai fait cinq semaines de radiothérapie. Je les faisais le matin et j’allais travailler au bureau après. Pendant ce temps-là, je faisais de la chimio en pilule, et j’ai continué ça pendant un an. J’ai arrêté en août 2019. Le 1er rendez-vous de suivi après, j’étais stressée, mais depuis ce temps-là, tout va bien.
Comment est-ce que ton entourage a réagi?
Les gens de mon entourage sont très spirituels dans le sens où on pense que rien n’arrive pour rien. Il y a des gens que ça aurait fâché, mais moi, ça m’a aidée. Ma mère me disait des phrases comme : « Zoé, je le sais que tu ne mourras pas de ça, je ne le sens pas ». On était beaucoup dans cette énergie-là. Je te dirais même que je pense qu’il y a des membres de ma famille qui n’ont jamais réalisé à quel point c’était grave et je pense que ça nous a aidé.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans tout ce processus?
Quand on m’a annoncé que j’allais devoir faire de la chimio et que ça pouvait me rendre infertile, et quand on m’a annoncé que la plupart des gens meurt dans les 20 années qui suivent, et ce, devant ma mère. Je pensais même pas à moi, je pensais à ma mère parce que ma mère, dans 20 ans, va probablement être encore là. Je capotais. Ma mère m’a élevée toute seule, ma soeur, mon frère et moi, et elle nous a toujours dit que la pire chose qui pouvait lui arriver de sa vie, c’était de nous perdre. Je braillais.
Sinon, c’est quand j’ai fini mes traitements : tu te sens perdue, tu te sens toute seule. Tout le monde recommence à vivre, tout le monde sait que tu as fini tes traitements, mais tu es comme : « Ouin, mais ça peut revenir. » La première année, c’est super stressant parce que les tests sont aux trois mois. Chaque trois mois, tu attends de te faire dire si c’est revenu ou pas.
C’est quoi l’objectif du podcast La vie d’après?
Pour moi, La vie d’après, c’est tout simplement pour éduquer les gens au niveau du cancer parce que quand on pense au cancer, on pense tout de suite au négatif, aux pires scénarios, mais il y a plein de beaux scénarios aussi, malgré tout, malgré le cancer. Il y a des scénarios qui finissent bien, il y en a même beaucoup, mais on n’en parle pas ou peu. Je voulais donner le micro à des gens qui s’en sont sortis pour donner un modèle d’espoir à ceux qui vivent ça présentement.
Pourquoi le podcast était le format qui mettrait le mieux ton concept en lumière?
Je voulais créer quelque chose, j’étais rendue là. Longtemps, je me suis dit que je ne voulais pas entrer dans la sphère publique en parlant du cancer parce que je ne voulais pas nécessairement être étiquetée à ça. C’est une peur que j’ai eue, celle que les gens m’associent au cancer. Je ne ferai pas plus de huit épisodes. Après, je vais me détacher un peu, et peut-être y replonger pour une série télé humoristique et légère sur le sujet.
Qu’est-ce que tu veux que les gens retiennent à l’écoute de ton podcast?
Je veux juste que ça fasse un baume sur leur cœur, que ça leur donne du courage, que ça leur donne un second souffle. C’est important pour moi que ça reste assez léger, on rit beaucoup! Il y a peut-être des gens pour qui ça va être trop tôt. J’ai aussi parlé à une fille qui, elle, était fâchée de son cancer, fait qu’il y a peut-être des épisodes qui vont plus plaire à certaines personnes. J’essaie vraiment d’y aller vers huit épisodes différents.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite des choses?
Je l’ai déjà mentionné dans mon podcast, mais ce serait de moins me casser la tête. J’ai toujours eu une bonne hygiène de vie, je mange bien, je m’entraîne, mais des fois, c’est la santé mentale que je trouve plus rough avec moi. Je me surprends encore à overthink, c’est peut-être la pandémie qui fait ça aussi. Mais des fois, je ne suis pas fière de moi, je suis comme : « Voyons Zoé, il va tu te falloir un autre cancer pour que tu profites de la vie et que tu sois dans le moment présent? » Je me souhaite de profiter du moment présent et d’arrêter de m’en faire pour des petites affaires, j’ai vécu pire.